Article: Qu’est-ce que l’endométriose ?
Par Bertille Flory, Patiente experte, www.endholistic.fr
Affectant 10 à 15 % des femmes en âge de procréer, ayant comme délai de diagnostic 7 ans, l’endométriose est aujourd’hui de mieux en mieux connue, notamment parce que le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé en février 2022 une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose dont les médias grand public se sont fait largement l’écho.
Malgré ces actions de communication et de sensibilisation, la maladie reste aujourd’hui relativement mal comprise dans ce qu’elle est vraiment et dans la manière dont elle prend naissance et se développe.
L’endométriose, une maladie complexe et systémique
L’endométriose est souvent définie comme une maladie gynécologique chronique liée à la présence d’endomètre hors de l’utérus. Cette définition est aujourd’hui largement revue par les études récentes.
La définition officielle de l’endométriose donnée par les gynécologues français
Sur le site du Conseil national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), l’endométriose est définie comme une maladie « due à la présence ailleurs que dans l’utérus de la muqueuse qui tapisse normalement la cavité utérine (l’endomètre) ».
Cette définition est aujourd’hui datée car différentes études ont montré que les cellules des lésions d’endométriose ont une composition similaire mais non identique aux cellules de l’endomètre (la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus).
Ainsi des définitions plus à jour sont données sur le site de l’Inserm « est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus » et sur le site d’EndoFrance, la principale association de patientes atteintes d’endométriose : « la présence en dehors de la cavité utérine de tissu semblable à la muqueuse utérine qui subira, lors de chacun des cycles menstruels ultérieurs, l’influence des modifications hormonales ».
Cette définition pourrait encore être précisée, complétée et élargie à plusieurs égards :
- l’endométriose possède une composante hormonale (les lésions évoluent au fil du cycle menstruel et de l’évolution des hormones féminines) mais elle possède surtout une composante inflammatoire centrale
- l’endométriose n’est pas une maladie uniquement féminine ou dépendant du cycle féminin parce que des hommes ont été diagnostiqués avec de l’endométriose.
Une maladie dont la définition devrait certainement être élargie pour parler d’une maladie chronique systémique inflammatoire
Une étude de la revue The Lancet indique ainsi : « L'endométriose est classiquement définie comme une maladie gynécologique chronique caractérisée par la présence de tissu ressemblant à de l'endomètre en dehors de l'utérus et dont on pense qu'elle est due à des menstruations rétrogrades. Toutefois, cette description est dépassée et ne reflète plus la portée et les manifestations réelles de la maladie. La présentation clinique est variée, la présence de lésions pelviennes est hétérogène et les manifestations de la maladie en dehors de l'appareil reproducteur féminin restent mal comprises ».
En effet, les lésions d’endométriose sont retrouvées partout dans le corps, au niveau du bassin la plupart du temps, mais également sur le système digestif, le système urinaire, au niveau des poumons, du diaphragme, des cicatrices (de césarienne par exemple), etc.
Les conséquences de ces lésions s’étendent à tous le corps et perturbent le fonctionnement du corps de la femme dans sa globalité : douleurs chroniques (dysménorrhée (douleurs pendant les règles), dyspareunie (douleurs pendant les rapports sexuels), douleurs pelviennes, neuropathies qui peuvent s’étendre jusque dans les jambes ou dans les épaules, etc.), fatigue chronique, problèmes digestifs (ventre gonflé, ballonnements, diarrhée, constipation, douleurs à la défécation), problèmes urinaires (douleurs à la miction, envie d’uriner permanente, etc.), infertilité.
Cette étude propose donc de considérer l'endométriose comme une maladie systémique plutôt que comme une maladie affectant principalement le bassin : « l’endométriose affecte le métabolisme du foie et du tissu adipeux, entraîne une inflammation systémique et modifie l'expression des gènes dans le cerveau, ce qui provoque une sensibilisation à la douleur et des troubles de l'humeur. L'effet complet de la maladie n'est pas pleinement reconnu et va bien au-delà du bassin. »
Une maladie qui concerne principalement les femmes mais qui a également été retrouvée chez des hommes
Même si cela reste rare, voire très rare, il faut savoir que plusieurs cas d’endométriose ont été recensés chez l’homme dans la littérature scientifique. Une étude datée de 2006 indique que jusqu'à cette date, seulement 6 cas d'endométriose de l'appareil génito-urinaire masculin avaient été rapportés. Ils concernaient la vessie, la prostate, la paroi abdominale inférieure et la région para-testiculaire. Depuis 2006, quelques autres cas ont été recensés.
Cette information remet en cause la principale explication de l’origine de l’endométriose. En effet, elle est régulièrement invoquée pour invalider la théorie du reflux (ou de la régurgitation) selon laquelle le sang des règles qui s’évacue par les trompes au lieu de s’évacuer normalement par le vagin va venir se fixer sur les organes du petit bassin (il faut savoir que 90 % des femmes menstruées ont du reflux par les trompes).
Certaines études ayant recensé des cas d’endométriose chez l’homme expliquent le développement des lésions par la théorie de la métaplasie associées à la prise de traitement hormonal. La métaplasie désigne la transformation d'un tissu différencié en un autre tissu différencié.
On le voit aujourd’hui les thèses sur l’origine de l’endométriose sont nombreuses et aucune n’a encore été complètement validée à l’échelle internationale.
L’endométriose, une maladie dont l’origine est encore recherchée
Aujourd’hui, en France, l’endométriose est décrite comme une maladie multifactorielle résultant de la combinaison de facteurs :
- Génétiques (les femmes qui ont une mère, une sœur ou une fille atteinte d’endométriose ont un risque cinq fois plus élevé d’être atteinte d’endométriose que les femmes dans la population générale) mais des études ont montré que les variations génétiques n’augmentent que très peu le risque de développer la maladie, que pris tous ensemble les différents gènes à l’origine de la maladie expliquent à peine 6 % des cas d’endométriose et que de nombreuses femmes porteuses de ces variations « à risque » ont une très forte probabilité de ne pas développer la maladie.
- Épigénétiques et plus particulièrement environnementaux (notamment les perturbateurs endocriniens).
L’origine retenue pour l’endométriose en France (et sur laquelle s’appuie le corps médical pour traiter la maladie) est la théorie du reflux, appelée plus scientifiquement théorie de la régurgitation et de l’implantation.
Selon cette théorie décrite par John A. Sampson en 1920, l’endométriose se développerait parce que lors des menstruations, le sang des règles refluerait par les trompes au lieu de s’écouler entièrement par le vagin. Ces cellules qui se trouvent dans le bassin ne seraient pas éliminées par le système immunitaire, prolifèreraient et acquerraient des propriétés d’adhésion, d’implantation et d’invasion. Cette théorie explique la répartition asymétrique des lésions d’endométriose qui sont pour les lésions situées dans le pelvis plus souvent localisées à gauche et à l’avant alors que dans l’abdomen elles sont plus souvent localisées à droite.
Les autres théories sur l’origine de l’endométriose, reconnues par d’autres pays dans le monde
Parmi les autres théories (une publication recense plus de 170 causes possibles) les plus utilisées et validées par la science aujourd’hui pour expliquer la survenue de l’endométriose, on retrouve la théorie de la métaplasie, celle de l’induction, celle de Leyendecker, la théorie hormonale (l’inflammation et la synthèse des hormones stéroïdiennes favorisent l’implantation et la croissance des lésions), la théorie du stress oxydatif, inflammation et dysfonction immunitaire, la théorie métastatique ou des emboles). Les plus probables sont présentées ci-après.
La théorie de la métaplasie
La théorie de la métaplasie est la théorie selon laquelle un tissu peut se transformer en un autre en raison d’une origine embryologique identique. Cette théorie pourrait expliquer les quelques cas de localisation « atypiques » d’endométriose (lésions retrouvées chez des hommes sur la prostate par exemple). Cette théorie se rapproche de celle de la « mullérianose » correspondant à l’incorporation de résidus endométriaux par différents tissus au cours de la formation des organes durant la vie embryonnaire.
La théorie de l’induction
La théorie de l’induction est la théorie selon laquelle un tissu est transformé en un autre sous l’influence d’un tissu adjacent. Les lésions d’endométriose pourraient être secondaires à la diffusion d’une substance capable de stimuler ou d’induire une différenciation de type épithélial au niveau du tissu d’implantation.
La théorie de Leyendecker, appelée aussi la théorie du péristaltisme utérin et tubaire
La théorie de Leyendecker, appelée aussi théorie « tissu injury and repair » est la théorie la plus récente. Elle date de 2009 et évoque la dyscontractilité utérine : elle est fondée sur les microtraumatismes de l’utérus provoqués par l’utérus lui-même en raison d’une hyper-contractilité ou une dyscontractilité. Cette dyscontractilité active un mécanisme dit de « lésion et réparation des tissus ». Il en résulte une production locale d'œstrogènes.
Avec une activité péristaltique continue (le péristaltisme est l’ensemble des contractions musculaires d'un organe creux, provoquant la progression de son contenu d'amont en aval – dans l’intestin par exemple), ces sites de microtraumatismes peuvent se multiplier et les œstrogènes de plus en plus produits interfèrent avec le contrôle ovarien de l'activité péristaltique utérine, ce qui entraîne un hyperpéristaltisme permanent et une auto-perpétuation du processus pathologique. Il s'ensuit une auto-traumatisation manifeste de l'utérus avec dislocation de fragments d'endomètre basal dans la cavité péritonéale et infiltration d'endomètre basal dans la profondeur de la paroi myométriale.
Cependant, aucune de ces théories n’explique à elle seule l’ensemble des manifestations (symptômes et lésions) ni ne permet de rendre complètement compte de la diversité des formes que peuvent présenter les femmes atteintes de la maladie. Ces théories n’expliquent pas non plus la survenue des lésions chez les hommes ni chez les fœtus ou la multiplicité des endroits dans lesquels des lésions ont été retrouvées.
Il semble qu’il faudra encore des années de recherches avant que la cause de l’endométriose ne soit trouvée et qu’un traitement permettant de guérir la maladie ne soit développé.
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